Une photographie peut-elle suffire à prouver l’affichage d’un panneau de permis de construire ?

Article par Ugo Ivanova

1 avril 2025

Commentaire de la décision du Conseil d’Etat du 10 mars 2025, n° 472387

Parfois, être ne suffit pas
Encore faut-il, dans ces càs-là,
Attester de son être
Avec les bons paramètres

Si la pierre angulaire de la contestation d’un permis de construire, quelque qu’en soit le point de vue – en défense du permis ou en attaque – pourrait semble résider dans la démonstration de l’intérêt à agir du requérant – Article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme – dans la notification du recours – Article R. 600-1 du même Code – Ou encore dans l’apport de moyens de nature à démontrer l’illégalité de l’autorisation, encore faut-il, pour cela, être recevable ou, à l’inverse, apporter la démonstration de l’irrecevabilité de la partie adverse, et donc être dans les délais de recours dits « contentieux ».


Ces délais, de deux mois, courts à compter « du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage de l’autorisation sur le terrain du projet ».


👍Ainsi, ce n’est pas la date de délivrance de l’autorisation qui commence à faire courir le délai de recours mais uniquement son affichage continue pendant deux mois.


Cet affichage, pour pouvoir déclencher ce délai de recours, doit être visible de l’extérieur et contenir les informations nécessaires pour permettre aux tiers d’apprécier l’importance de la consistance du projet (Voir en ce sens Conseil d’Etat, 14 novembre 2023, n° 475258).


De jurisprudence constante, la charge de la preuve de l’affichage régulier et continu pendant deux mois repose sur le pétitionnaire (Voir en ce sens Conseil d’Etat, 5 août 2020, n° 431274).


🔎Cette preuve est par ailleurs, en théorie, libre : Constats d’huissiers, attestations sur l’honneur témoignage, recours à l’application ATTESTIS ou encore photographies prises par un téléphone portable (Voir en ce sens Conseil d’Etat, 12 décembre 2023, n° 21LY04307).


La preuve est donc libre… en théorie seulement.


Tel est le sens de la décision du Conseil d’Etat du 10 mars 2025 :

(…) Pour justifier l’affichage du permis de construire sur le terrain à compter du 28 janvier 2019, et pour soutenir que, par suite, le recours introduit par M. C contre ce permis le 1er avril 2019 était tardif et donc irrecevable, M. D s’est borné à produire des photographies du panneau d’affichage qu’il avait lui-même prises en soutenant que les métadonnées numériques associées à ces photographies attestaient de leur date de prise de vue, ainsi qu’une attestation peu circonstanciée d’un voisin et celle d’un tiers faisant état d’un affichage les 2 et 3 mars 2019. Compte tenu des possibilités techniques de modifier ces métadonnées numériques, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour a jugé que la date de ces photographies ne pouvait être regardée comme présentant des garanties d’authenticité suffisantes. C’est ensuite par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a retenu, sans qu’il ait été besoin pour elle d’ordonner l’expertise demandée par le requérant, que les éléments qu’il produisait ne suffisaient pas à démontrer un affichage du permis de construire à compter du 28 janvier 2019 et a écarté la fin de non-recevoir opposée par M. D, tirée de la tardiveté du recours formé par M. C contre l’arrêté du 8 février 2016. (…).

« Compte tenu des possibilités techniques de modifier ces métadonnées numériques, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour a jugé que la date de ces photographies ne pouvait être regardée comme présentant des garanties d’authenticité suffisantes« 


La liberté de la preuve s’arrête donc là où débute le doute quant à la possibilité de modifier volontairement l’authenticité de ladite preuve.


Et avec les technologies actuelles, les métadonnées d’une photographie prises par un téléphone portable peuvent aisément être modifiées et donc falsifiées de sorte que le Conseil d’Etat en conclu que de telles photographies prises par le bénéficiaire ne suffisent pas à justifier d’un affichage continu du permis.


Plus que jamais, le recours à trois constats d’huissiers – un au premier jour de l’affichage, un autre à un mois d’affichage et le dernier à la fin du délai des deux mois – est donc vivement recommandé.

Un doute sur l’affichage de votre permis ? Vous souhaitez contester un permis de construire ? IB Avocats est là pour vous accompagner !

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