Commentaire de la décision de la Cour de cassation du 27 mars 2025 n° 22-12.787
Ne vaut-il mieux parfois directement s’exécuter
Pour ne pas laisser faire la Ville
Sauf à assumer
Les risques et les périls
La question de la démolition d’une construction réalisée en méconnaissance des règles d’urbanisme opposables n’est pas nouvelle. A ce titre, le respect des règles d’urbanisme est assuré par plusieurs mécanismes pouvant – dans certaines conditions – conduire à la démolition des ouvrages construits en méconnaissance de ces règles. Seul le juge judiciaire, gardien de la propriété privée depuis la loi du 8 mars 1810, a le pouvoir d’ordonner la démolition d’une construction privée (Le juge administratif s’étant déclaré incompétent pour connaître d’une telle demande – Conseil d’Etat, 19 janvier 1979, n° 10185).
🔎 Une telle démolition peut être prononcée tant par le juge répressif, sur le fondement de l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme, que par le juge civil, soit sur le fondement de l’article L. 480-13 du même Code pour les tiers lésés par une construction et ayant obtenue l’annulation de l’autorisation d’urbanisme devant un Tribunal administratif soit sur le fondement de l’article L. 480-14 dudit Code pour les Communes compétentes en matière de plan local d’urbanisme (PLU).
Dans ce dernier cas, où une Commune solliciterait donc du juge judiciaire la démolition d’un bien qui ne respecterait pas la réglementation d’urbanisme opposable, la question de la constitutionnalité d’une telle faculté – en ce qu’elle pourrait méconnaître les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) – se posait.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 31 juillet 2020 n° 2020-853, a déclaré conforme l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme à la constitution « sous réserve que l’action en démolition soit écartée s’il est possible de privilégier la mise en conformité de la construction ou de l’installation avec le droit de l’urbanisme ».
C’est dans ce contexte qu’une Commune a assigné un propriétaire en référé sur le fondement de l’article 835 du Code de procédure civile aux fins d’obtenir la remise en état d’un terrain situé en zone naturelle après que ledit propriétaire y ait édifié, sans autorisation, un mur de soutènement.
Le débat ne portait alors évidemment pas sur la faculté du juge des référés du Tribunal judiciaire d’ordonner la remise en état de la parcelle après avoir reconnu l’existence d’un trouble manifestement illicite – ceci étant admis de longue date (👌Voir, par exemple, Cour d’appel de Montpellier, 5 avril 2012, n° 11-05.633).
Le débat portait sur le fait de savoir si, le juge des référés, saisi par une commune sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, constatant l’existence d’un trouble manifestement illicite du fait de travaux réalisés en violation des dispositions du PLU opposables, et ordonnant au bénéficiaire de ces travaux de les interrompre et de remettre les lieux en état, pouvait-il autoriser la commune a faire procéder d’office, aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers, à la remise en état ?
La Cour d’appel avait dans un premier temps dénié au juge des référés une telle faculté, en estimant que ce dernier ne pouvait que prononcer les mesures de remise en état qui s’imposent, « l’autorisation donnée à la commune de procéder d’office à cette remise en état excédait ses pouvoirs ».
Telle n’a pas été la position de la Cour de cassation, laquelle a estimé, au contraire, que :
« Le juge des référés qui ordonne, dans les conditions prévues par la loi, une mesure de remise en état ou de démolition pour faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la violation d’une règle d’urbanisme peut autoriser la commune, à défaut d’exécution par le bénéficiaire des travaux dans le délai prescrit, à y procéder d’office aux frais de l’intéressé ».
La Cour indique même « qu’en décider autrement, en cas de trouble manifestement illicite, porterait atteinte à l’objectif d’intérêt général de respect effectif des prescriptions d’urbanisme ».
🛑 Attention toutefois, la Cour précise bien que si un juge des référés peut effectivement autoriser une commune à faire exécuter d’office une remise en état ou une démolition aux frais du bénéficiaire des travaux, ces travaux de remise en état demeurent « aux risques et périls de la commune ».
Vous êtes une collectivité et vous souhaitez vous faire assister pour obtenir le respect de votre PLU ? Le cabinet IB Avocats est à votre entière disposition !