A parfois vouloir viser trop haut
C’est le rien que l’on obtient
Dans son article du 4 mars dernier, le Cabinet IB Avocats s’interrogeait sur l’avenir de la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », notamment suite au rapport d’information du Sénat sur la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols en date du 9 octobre 2024.
❔Inflexion, continuation, augmentation, infléchissement ? Tout était alors envisageable.
La proposition de loi dite « TRACE », déposé au Parlement le 7 novembre 2024 et adopté en première lecture au Sénat le 18 mars 2025 ne permets plus au doute de planer : Cette nouvelle proposition de loi détricote complètement les objectifs et les mécanismes qui étaient contenus dans la loi de 2021 afin de « concilier la sobriété foncière et le caractère atteignable des objectifs ».
Si une conciliation de différents enjeux apparaît toujours comme étant une bonne chose, au présent cas d’espèce, cette conciliation semble pourtant se rapprocher d’un renoncement à l’objectif premier de la loi de 2021, à savoir l’objectif de supprimer toute artificialisation des sols d’ici 2050.
La première des modifications apportées par cette nouvelle proposition de la loi touche au cœur même de la loi climat et résilience.
Comme le rappelait l’article du 4 mars 2025, la loi de 2021 prévoyait une méthodologie claire pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation des sols d’ici 2025, à savoir une première période allant jusqu’en 2031 ou la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers (ENAF) devait être réduite de 50 % par rapport à la période 2011-2021 et une seconde période, à compter de 2031, un décompte de l’artificialisation des sols au réel.
La proposition de loi TRACE renverse complètement le modus operandi de cette première période afin de « redonner la main aux élus », c’est-à-dire en prévoyant la suppression, pure et simple, de l’objectif de réduction de 50% de la consommation des ENAF pour lui préférer des objectifs de réduction laissés à la libre appréciation des régions sans aucun cadre préétabli.
Ce seront donc dorénavant, si la loi devait être adoptée en l’état, les régions qui fixeront de manière différenciée leur propre trajectoire de réduction de consommation des ENAF.
Si la loi prend le soin de préciser, bien qu’il s’agisse ici manifestement d’un vœu pieux, que les régions demeureront soumises à l’objectif national de zéro artificialisation nette d’ici 2050, elles pourront néanmoins définir le rythme qui leur semble le plus adapté à leurs spécificités sans qu’aucun objectif global et national ne vienne encadrer ces « spécificités ».
Mécontent d’avoir abdiquer sur l’objectif de réduction de 50% qui était pour l’instant la norme opposable à l’ensemble des collectivités, la loi TRACE prévoit également de reporter la première phase, initialement prévue de 2021 à 2031, de 2024 à 2034.
La proposition de loi ne se contente d’ailleurs pas de repousser les dates de la phase initiale, elle propose de repousser l’intégralité du calendrier qui était prévu par la loi climat et résilience.
Exit donc les dates butoir de 2027 pour les Schéma de cohérence territoriaux (SCOT) et de 2028 pour les plans locaux d’urbanisme (PLU).
Les nouveaux objectifs, qui devront donc être définis par les régions elles-mêmes en fonction de leurs « spécificités », seront transposés en 2026 pour les documents régionaux, en 2031 pour les SCOT et en 2036 pour les PLU.
La loi prévoit également, comme autres mesures favorables à l’aménagement du territoire, d’exempter du décompte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers jusqu’en 2036 les implantations industrielles, les infrastructures de production d’énergie renouvelables et les constructions de logements sociaux.
C’est donc un bouleversement complet qui est ici programmé, ce dernier touchant à la fois le délai de mise en œuvre des objectifs de la loi climat et résilience mais également les objectifs eux-mêmes.
La loi climat et résilience est morte, vive la loi TRACE en quelque sorte.
Si la loi de 2021 était, à juste titre selon nous, critiquée pour sa verticalité et son aspect technocratique – C’est-à-dire sans réflexion profonde sur les capacités réelles des collectivités à mettre en œuvre des objectifs aussi importants et impactant – la proposition de loi TRACE engendre, du fait de ses renoncements et de ses bouleversements une instabilité juridique majeure pour les collectivités🛑.
En effet, si la mise en œuvre de l’objectif final de zéro artificialisation des sols dépendait du calendrier de transposition fixé par la loi (22 février 2027 pour les SCOT et 22 février 2028 pour les PLU), l’objectif assigné à la première phase, 50% de réduction de la consommation des ENAF, était, quant-à-lui, d’application direct.
Tous les documents d’urbanisme modifiés ou révisés depuis 2021 devaient donc contenir ce premier objectif de sorte qu’une importante quantité des documents d’urbanisme actuels en France ont effectivement réduit de 50% la consommation d’ENAF par rapport à la décennie précédente.
Objectif qui aujourd’hui … n’existe donc plus (ou plus précisément qui est sur le point de ne plus exister).
Une nouvelle phase de modification et de révision va donc devoir s’ouvrir et lorsque l’on connait le coût et le temps nécessaire pour modifier un SCOT ou un PLU, les collectivités territoriales et les établissements de coopération intercommunale apparaissent, comme avec la loi climat et résilience d’ailleurs, les secondes victimes de ces changements normatifs radicaux.
La première victime demeurant évidemment l’environnement et la lutte contre le changement climatique, relégués derrière les intérêts économiques et l’aménagement du territoire.
Vous êtes une collectivité et vous êtes un peu perdu dans ces changements normatifs ? Pas de panique, le cabinet IB Avocats est là pour vous assister et vous conseiller !