L’urgence à suspendre un refus de permis de construire, un parcours du combattant inextricable ?

woman in dress holding sword figurine

Article par Ugo Ivanova

11 mars 2025

Commentaire de l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 février 2025, n° 494180

Selon que vous soyez délivré ou refusé

Les jugements de cours vous rendront blanc ou noir

La condition d’urgence dans le cadre d’un référé suspension introduit, en application de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, contre « une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d’aménager ou de démolir » est, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018 dite « loi ELAN » et de son article L. 600-3 du Code de l’urbanisme, une condition vidée de son sens : L’urgence n’est plus conditionnée mais simplement présumée de sorte que toutes actions engagées sur ce fondement sera automatiquement considérées comme disposant d’une urgence à suspendre.

Le législateur, se pensant bien inspiré, a souhaité introduire la même présomption d’urgence pour les refus de permis de construire : Tel était l’objectif de l’article 4 du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables du 6 mai 2024 :

« Lorsqu’un recours formé contre une décision d’opposition à déclaration préalable ou de refus de permis de construire, d’aménager ou de démolir est assorti d’un référé suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, la condition d’urgence est présumée satisfaite ».

L’inspiration n’a pas durée, le Conseil d’Etat, dans son avis du 2 mai 2024, ayant fait valoir que cette nouvelle disposition, si elle venait à être validée en l’état, « aurait pour effet de complexifier le traitement des requêtes de référés sans lien avec l’objectif recherché énoncé par l’étude d’impact » (Conseil d’Etat, avis, 2 mai 2024, n° 408259).

L’urgence à suspendre le refus d’un permis de construire demeure donc, encore à ce jour, soumise à la casuistique et à l’appréciation souveraine du juge administratif.

Appréciation souveraine qui n’apparaît manifestement pas à l’avantage des demandeurs s’étant vu infliger un refus à leurs demandes de permis de construire.

❔En apparence seulement.

C’est à tout le moins ce qui semble résulter de la décision du Conseil d’Etat du 4 février 2025 :

« Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire déposée par M. A. B a pour objet de régulariser une construction édifiée plusieurs années auparavant sans autorisation, de sorte que la situation d’urgence dont il se prévaut résulte de son absence de respect des règles d’urbanisme. Par ailleurs, il n’est établi ni que son épouse et lui-même se trouveraient dans une situation financière et familiale telle qu’elle puisse caractériser une urgence à ce que les effets de la décision de refus de permis de construire du 28 août 2023 soient suspendus, ni, surtout, que la délivrance d’un permis de construire à caractère seulement provisoire à laquelle pourrait conduire le réexamen de la demande que le juge des référés pourrait ordonner en conséquence d’une telle suspension suffirait à ce que le requérant puisse vendre son bien à bref délai en dépit de l’irrégularité de la construction édifiée. Dans ces conditions, la condition d’urgence prévue par les dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative n’apparaît, en l’état de l’instruction, pas satisfaite »

Si certains pourraient en conclure, à la lecture du dossier dont avait alors à connaître les juges du Palais Royal, que l’urgence à suspendre un refus de permis de construire pourrait être reléguée aux hypothétiques cas d’école qui ne se retrouveraient que dans les livres de droit, cela n’est pas de notre avis.

Evidemment le juge, dans la décision commentée, refuse de caractériser l’urgence. Mais ce refus n’apparaît pas pouvoir être étendue à tous les dossiers tant le cas d’espèce dont il était question était spécifique : Un refus opposé à une demande de permis de construire modificatif dont l’objectif était de régularisé une infraction à l’urbanisme.

Difficile donc, pour le Conseil d’Etat, de reconnaitre une urgence à une situation dont les demandeurs sont à l’origine.

C’est d’ailleurs précisément ce qui résulte de la décision du Conseil : « La situation d’urgence dont il se prévaut résulte de son absence de respect des règles d’urbanisme ».

Il n’est donc pas question ici, à tout le moins selon nous, d’une décision de principe mais d’une décision d’espèce.

Il est à ce titre vraisemblable de penser que dans un dossier dans lequel, par exemple, le refus serait opposé à un projet faisant l’objet d’un prêt bancaire déjà obtenu ou d’une pré-commercialisation engageante, sans qu’aucune infraction au Code de l’urbanisme n’existe, l’urgence puisse effectivement être caractérisée.

👌Certes, l’urgence ne sera évidemment pas présumée mais l’espoir de pouvoir la caractériser demeure, lui, pleinement ouvert.  

En cas de doute ou pour toutes questions relatives à un refus d’autorisation d’urbanisme, n’hésitez pas à contacter le Cabinet IB Avocats !

A lire aussi dans les actualités