« Gagner un jugement, c’est obtenir raison, le faire exécuter, c’est obtenir justice ».
La raison, Monsieur C. l’a gagné depuis que le Tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté de la Ville de Paris lui refusant de délivrer un permis de construire (jugement du 2 mai 2024 n° 2226869).
La justice, il l’attend encore.
Et pour cause, le Tribunal, sur le fondement de l’article L. 911-2 du Code de justice administrative, a enjoint à la Ville de Paris de réinstruire la demande déposée par Monsieur C. dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.
Quatre mois se sont passés et aucune décision n’a été prise par la Ville de Paris en totale méconnaissance de l’injonction qui lui était pourtant faite. Cette dernière a toutefois fait appel de ce jugement devant le Conseil d’Etat, espérant que les juges du Palais Royal viennent sauver l’arrêté de refus annulé par les premiers juges.
Qu’à cela ne tienne, la saisine du Conseil d’Etat n’étant pas suspensive de l’exécution d’un jugement, la Ville de Paris demeurait tenue par les termes du jugement du 2 mai 2024.
❔Quelles solutions sont alors à la disposition de Monsieur C. pour que la raison et la justice se retrouvent ?
Force est de constater que lorsque l’injonction concerne une personne publique, en l’occurrence la Ville de Paris, la zone d’ombre est totale et l’insécurité juridique implacable.
- Première solution, celle préconisée par les livres de droit, serait d’engager une procédure en exécution du jugement devant le même Tribunal afin d’enjoindre, sous astreinte, la Ville de Paris à respecter le jugement rendu.
Souhaitant mettre toutes ses chances de son côté, Monsieur C. a opté pour cette procédure, espérant une résolution rapide de son dossier, dont l’inertie de la Ville l’empêche de disposer d’un permis de construire dont tous les motifs de refus ont pourtant été annulés.
L’espérant fut de courte durée.
Une première injonction d’exécuter le jugement fut prononcée à l’encontre de la Ville de Paris le 15 janvier 2025 (avec une demande d’exécution introduite le 9 septembre 2024). Cette injonction, discrétionnaire et dénuée de tous documents communiqués, courait sur 2 mois.
Deux mois après, toujours aucune décision. L’omerta est alors totale.
Monsieur C. relance alors encore le Tribunal, lequel se contente d’effectuer un « rappel d’exécution du jugement » à la Ville de Paris en date du 19 mars 2025.
Sans astreinte toujours.
Le Tribunal a alors informé Monsieur C. que si, passé ce délai, aucune exécution n’avait encore eu lieu, la procédure d’exécution rentrerait alors en phase « juridictionnelle », avec des délais similaires aux procédures ordinaires, soit presque deux années encore d’attente.
Trois ans donc en tout pour escompter simplement que la partie perdante honore le jugement rendu, le tout au préjudice absolu de la partie gagnante.
Cela n’étant manifestement pas satisfaisant, n’existe-t-il pas d’autres solutions ?
- La première serait de considérer qu’en application de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme, le pétitionnaire serait en droit de confirmer sa demande de permis de construire dans les six mois suivant la notification de l’annulation définitive. S’en suivrait alors l’ouverture d’un délai d’instruction et donc d’une décision implicite valant délivrance d’un permis de construire tacite.
Cette solution, quoi que séduisante, n’en demeure pas moins également insatisfaisante.
En effet, et d’une part, dans le cas précis de Monsieur C., compte-tenu de l’existence en parallèle d’une procédure devant le Conseil d’Etat, aucune annulation définitive ne peut lui être notifiée.
D’autres part, cet article apparaît difficilement compatible avec un jugement ayant à la fois annulé le refus mais ayant également enjoint de ré instruire la demande.
Une injonction de ré instruction pourrait à cet égard rendre sans objet une demande de confirmation, « l’injonction a réinstruire la demande impose à l’administration d’être saisie de la demande sans que le pétitionnaire ne soit tenu de confirmer sa demande » (Voir en ce sens, Conseil d’Etat, 28 décembre 2018, n° 402321).
Sauf si, précisément, une injonction à ré instruire emporterait les mêmes effets qu’une demande de confirmation au sens de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme, alors l’on pourrait en déduire des conséquences similaires, à savoir que l’injonction de 4 mois équivaudrait à un délai d’instruction emportant, dans le silence de l’administration, une délivrance tacite du permis de construire.
Telle n’est toutefois pas la position retenue, pour l’heure, par le Conseil d’Etat, lequel retient, contre tout bon sens, que malgré le fait, en cas d’injonction par le juge, que le pétitionnaire ne serait pas tenu de confirmer sa demande, un délai de nature à faire naître une décision tacite ne peut commencer à courir qu’à compter de la confirmation de sa demande… (Voir en ce sens Conseil d’Etat, 23 juillet 2023, n° 467318).
Un revirement de jurisprudence apparaît ici impérieux et pour cause : S’il n’est pas tenu de confirmer sa demande, pourquoi la confirmerait-elle étant donné que l’administration est déjà tenue de connaître de sa demande et de l’instruire à nouveau ? Plus encore, si l’administration est tenue d’instruire à nouveau la demande ayant été injustement rejetée, en quoi la nature de cette instruction se différencie-t-elle d’une instruction « classique » prévue par l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme ?
Le Conseil d’Etat pourrait à ce titre s’inspirer du jugement du Tribunal judiciaire de Caen, lequel a retenu que lorsque l’injonction est prise en application de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative, « les conditions de l’article L. 600-2 sont réputées satisfaites » (Voir Tribunal administratif de Caen, 15 mars 2023, n° 2101302).
Une bonne administration de la justice imposerait que ce jugement soit étendu à l’injonction prononcée par l’article L. 911-2 du Code de justice administrative et donc que le délai de « ré instruction » puisse avoir les mêmes effets qu’un délai « d’instruction ».
- La seconde solution, qui est en réalité un « mixte » des difficultés de la première, serait d’accompagner la demande d’exécution du jugement devant le Tribunal administratif d’une demande de confirmation au visa de l’article L. 911-2 précité, et ce quand bien même aucune décision définitive n’existerait encore.
Cela permettrait au pétitionnaire victorieux de bénéficier soit d’un permis tacite en application de cet article soit d’un permis express suite à l’injonction prononcée par le juge de l’exécution.
En réalité et en synthèse, le pétitionnaire ayant réussi à obtenir gain de cause et faire ainsi annuler un refus de permis de construire n’aurait-il pas mieux fait de ne pas solliciter l’application de l’article L. 911-2 du Code de justice administrative afin de se contenter de confirmer sa demande au visa de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme ?
Des précisions du Conseil d’Etat sur ce point apparaissent en tout état de cause impératives afin d’éclaircir le modus operandi permettant de rendre effective une décision d’annulation d’un refus de permis de construire.
Votre Commune vient de refuser de vous délivrer un permis de construire ou toutes autres autorisations d’urbanisme ? Le Cabinet IB Avocats est à votre disposition pour vous assister afin de contester la légalité de l’arrêté de refus et d’en obtenir l’annulation !