Autorisations d’urbanisme et orientations d’aménagement et de programmation (OAP) : Compatibilité ou conformité ? Le régime juridique de la compatibilité précisé.

Article par Ugo Ivanova

26 février 2025

Commentaire de l’arrêt du Conseil d’Etat du 18 novembre 2024, Société Alliade Habitat, n° 489066.

Quelle douce mélodie

Que l’idée de ta vie

Quoi que parfois tout comme une rose

De tes épines tu piques mes choses

A une période où les collectivités ont de plus en plus recours aux Orientations d’aménagement et de programmation (OAP) dans l’élaboration ou la révision de leurs documents d’urbanisme (Plan locaux d’urbanisme (PLU) ou Plan locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI)), une mise au point des juges du Palais Royal sur les contours du régime juridique de cet outil réglementaire s’imposait.

En effet, de plus en plus de collectivités privilégient le recours aux OAP pour régir le cadre réglementaire d’une zone, que cette dernière relève du champ d’une Zone d’aménagement concertée (ZAC), d’une zone à urbaniser (AU) ou d’une zone urbaine (U).

La raison est simple, à tout le moins en apparence : De la souplesse et du contrôle, un doux mélange que de nombreux promoteurs et aménageurs plébiscitent.

Que ce soient les voies d’accès, les cheminements piétons, l’implantation des bâtiments, l’emplacement des places de stationnement, l’obligation de réaliser une opération d’ensemble, les articles L. 151-6 et suivants du Code de l’urbanisme offrent presque un contenu illimité aux OAP, que ces dernières soient sectorielles ou thématiques.

Ce doux mélange, quoi que plébiscité, n’en demeure pas moins sujet à une question aux complexes ramifications de longue date débattue : Entre la souplesse affichée de l’outil et le contrôle attendu, quel régime prédomine ?

L’avenir des OAP s’orienterait-il vers un conformisme pour l’instant réservé au règlement ou vers une compatibilité anciennement acquise ?

Le Conseil a précisé le régime juridique qui demeurait jusqu’à alors flou par sa décision « Commune de Lavérune » du 30 décembre 2021 (n° 446763 et 446766), aux termes de laquelle le Conseil a confirmé que le rapport qui régissait les OAP avec les autorisations d’urbanisme était bien un rapport de compatibilité, lequel ne pouvait être caractérisé que lorsque le projet en cause était de nature à contrarier les objectifs de l’OAP « une autorisation d’urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu’elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation d’un plan local d’urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs ».

Si cette décision avait le bénéfice de consacrer le rapport de compatibilité, une importante zone d’ombre n’en demeurait pas moins prégnante : A quel stade peut-on considérer qu’un projet contrarie les objectifs définis dans une OAP ? A partir d’un seul objectif méconnu ? De plusieurs ? En fonction de l’importance de l’objectif en cause ?

S’en déduisait de nombreuses décisions pour le moins contradictoires des juridictions administratives, tantôt en annulant une autorisation d’urbanisme en ce qu’elle méconnaissait un seul objectif (Le projet étant alors non conforme aux principes d’implantation prévus par l’OAP – Cour administrative d’appel de Toulouse, 4ème chambre, 25 juillet 2023, n° 22TL20851), tantôt en refusant d’annuler une autorisation malgré la non-conformité du projet compte-tenu de l’absence d’incompatibilité globale (Tribunal administratif de Lyon, 2ème chambre, 19 septembre 2024, n° 2301015).

Le nombre croissant de décision rendue à ce sujet témoignait de la difficulté tant des collectivités que des promoteurs d’appréhender avec précision cette notion de compatibilité.

C’est dans ce contexte de recrudescence des contentieux portant sur les OAP que le Conseil d’Etat est venu préciser les contours de cette notion.

La compatibilité doit donc aujourd’hui « s’apprécier en procédant à une analyse globale des effets du projet sur l’objectif ou les différents objectifs d’une OAP, à l’échelle de la zone à laquelle ils se rapportent ».

Le Conseil confirme donc, en d’autres termes, l’ambition première des OAP, à savoir l’absence de contrainte et la souplesse accordée dans l’aménagement de la zone.

Les Tribunaux n’ont pas attendu pour faire application de cette décision, le Tribunal administratif de Grenoble ayant jugé début 2025 que « les quelques divergences relevées entre les objectifs de l’OAP et les aménagements prévus par le projet en cause ne sont pas de nature à caractériser une incompatibilité entre l’un et l’autre » (Tribunal administratif de Grenoble, 1ère chambre, 30 janvier 2025, n° 2303519).

Les collectivités sont donc appelées à la plus grande des vigilances dans la rédaction de leurs OAP, surtout lorsqu’est fait le choix, en application de l’article R. 151-8 du Code de l’urbanisme, de recourir aux OAP dites d’aménagement, lesquelles s’appliquent en l’absence de règlement sur la zone. En effet, et en synthèse, une OAP, bien que disposant de nombreux objectifs strictement définis ainsi que d’un schéma d’aménagement de la zone, pourra toujours être appliquée avec souplesse par les promoteurs et aménageurs, ceci comprenant un éventuel non-respect de certains objectifs.

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